L'urbanisme de Charles III

On ne le sait pas forcément mais à partir de 1993, Charles III (nouveau roi d'Angleterre au moment où ces lignes sont écrites, roi au pouvoir limité comme on sait mais influent) a fait réaliser une ville nouvelle : Poundbury. On peut lire souvent sans vraiment s’y intéresser qu’il s’agit d’un projet passéiste issu du «new urbanism» mais la réalité est plus nuançable. Dans son passéisme effectivement un peu foutraque pour l'époque, sa conception rejoint en partie certaines doctrines contemporaines.

Le new urbanism est un mouvement né aux USA, en réaction à l’urbanisme fonctionnaliste séparant comme on le sait d’un côté les infra routières et de l’autre un zoning de programmes (commerciaux, pavillonnaires, etc.). Pensée qui a largement organisé dans le monde entier la dépendance à la voiture. Or, le new urbanism va à l’inverse de ça et donc, bien qu’il puise aussi ses racines dans une tendance formelle réactionnaire (pastiche tout béton et parements), faisait donc aussi théoriquement le pari d’une trame urbaine que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de plus progressiste. Je m’explique : il misait sur la mixité d’usage des espaces publics (accessibilité piétons et vélos notamment), mais aussi sur la mixité des rez-de-chaussées commerciaux et résidentiels pour faire vivre le centre-ville, à une époque où ces questions étaient encore souvent très lointaines.

Poundbury est une extension de 3500 habitants en banlieue de la petite ville de Dorchester (sud UK). Si le concept en soi d’extension urbaine prête fortement aujourd’hui le flanc à la critique, sa trame et la composition de ses espaces sont pour le moins étonnants pour l’époque.
On y trouve des îlots bien dessinés, des limites espaces publics/privés parfois un peu trop poreuses mais globalement assez nettes, des places publiques correctement dimensionnées (bien que très orientées stationnements mais c’était normal à l’époque et cela pourrait être modifié).
Et on y trouve aussi des rues rythmées par des accidents urbains réguliers (placettes) qui en confortent l’usage piéton. Et puis des petites attentions « quality of life » pour le quotidien (des petites ouvertures vers les coeurs d’ilots, etc).

Alors oui, bien sûr Poundbury s'est construit en extension pure sur les champs, sur le plan purement architectural c’est clairement une bouillie, oui la dépendance à la voiture de Poundbury est grande car cela reste une banlieue cernée d’espaces motorisés, oui l’arbitraire de la composition du plan fait saigner mon coeur d’urbaniste français adepte de la ligne droite. Et il faut, pour planter le dernier clou, signaler que Poundbury bien que proposant 35% de logements sociaux, souffre de problèmes de ségrégations.
Mais sans sauver une cause perdue, il y a donc une nuance intéressante à apporter à ces constats : force est de constater que les fondamentaux d’une composition à la fois durable sur le plan de la mobilité (possibilité de vie piétonne/vélo) et sur le plan urbain (une trame simple adaptable aux évolutions de la société) sont là. Et faire ça en 1993, si ce n’était pas complètement visionnaire, c'était loin d'être ridicule.
Du coup, quand Charles parle de renouveler l’entente pour la durabilité, si ça veut dire que dans mon travail d’urbaniste je dois m’inspirer du Plessis-Robinson (new urbanism français) ce sera non, mais si ça peut aider tout le monde à penser des centres-villes de petites tailles non basés sur la voiture, c'est intéressant.